Critique du M.D.D.

Le mode de développement durable est-il bien le mode de développement tout indiqué pour réduire à son minimum l’érosion effrénée du capital B.E., ses quatre composantes comprises : le capital bien-être individuel, le capital bien-être communautaire, le capital longévité individuel et le capital longévité communautaire ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire de dégager ses points forts et ses limites.

Certes, le mode de développement durable peut se flatter d’avoir à son actif nombre de résultats de grande importance, notamment :
• la sensibilisation soutenue de la communauté internationale aux dangers auxquels l’activité humaine expose les générations actuelles et futures et la mobilisation quasi générale de celle-ci pour lutter contre ces dangers ;
• la prise en charge et la centralisation de la gestion de la lutte contre ces dangers pour contenir la nuisance réciproque Homme-Nature due à l’activité humaine ;
• le fait qu’il ait placé l’homme actuel et futur au centre de ses préoccupations et de son action ;
• la mobilisation et la création de nombreuses structures qui œuvrent en permanence pour apporter des réponses aux problèmes posés par le développement humain et par son environnement et pour améliorer les conditions de vie et de survie des hommes actuels et futurs ;
• le lancement de nombreux programmes qui continuent d’être appliqués ;
• la mise au point d’accords, de protocoles et de conventions internationaux et l’obtention d’engagements qui continuent d’être respectés ;
• etc.

Mais, bien que la mobilisation autour du mode de développement durable soit très importante, on ne peut s’empêcher de regretter la médiocrité des résultats, des concessions et des engagements qui restent bien en deçà de ce qui s’impose, comme l’ont souligné certains observateurs dont M. Jean Jouzel à la clôture du sommet de Durban (COP 17 du 28 novembre au 9 décembre 2011). Mais alors, que peut-on reprocher au juste au mode de développement durable ?

Sa lenteur, et plus précisément la lenteur du développement réel qu’il génère
Comme nous l’avons constaté à travers son historique, le mode de développement durable progresse à pas de tortue dans l’édification d’un ensemble d’accords internationaux (conventions, protocoles, etc.) qui encadrent la totalité de l’activité communautaire, qui engagent toute la communauté internationale et qui soient juridiquement contraignants quant à leur application. A ce jour, les accords internationaux auxquels il est parvenu sont loin de répondre à ces critères. Il est donc normal que le développement obtenu sur le terrain par l’application de ces accords soit, lui aussi, d’une progression dangereusement lente eu égard à la gravité des problèmes à résoudre. Ainsi s’explique la faiblesse du rapport de performance

résultats obtenus
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temps consacré

que ce rapport se réfère au mode de développement durable (accords auxquels il est parvenu / temps pris pour y parvenir) ou au développement qui en a résulté (résultats obtenus sur le terrain / temps mis pour les obtenir).
Prenons l’exemple du protocole de Kyoto. Il est signé en 1997. Il est ratifié par les pays signataires entre 2002 et 2009. Il entre en vigueur en 2005, le quorum nécessaire étant atteint, et ce pour une période d’engagement allant de 2008 à 2012 seulement. Pire encore, il ne concerne qu’un petit nombre de pays (38).
Comme on le voit, le temps qui s’écoule entre chaque étape, depuis la signature d’un accord international jusqu’à sa mise en application effective, se compte en années, et ce pour des résultats obtenus au compte-gouttes ! Quel élan et quelle efficacité pour sauver une planète qui brûle ! Le mode de développement durable est décidément bien loin du principe « sitôt dit, sitôt fait » que réclame la situation d’urgence.

Son inefficacité
On aurait pu pardonner au mode de développement durable sa lenteur si au moins le rapport d’efficacité

concessions faites
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concessions à faire

avait été satisfaisant ou en passe de le devenir. L’inefficacité du mode de développement durable provient de :
• l’absence quasi-totale d’accords juridiquement contraignants ;
• l’impossible unanimité. Même s’il y a unanimité dans les bonnes intentions et dans la signature d’accords ou de protocoles, l’unanimité dans le passage à l’acte (ratification) est rarement obtenue. Le mode de développement durable cède devant la volonté des pays émergents de continuer à polluer pour combler leur retard. Il cédera demain devant la volonté de continuer à polluer des futurs pays émergents, aujourd’hui pays en développement. Comme on le voit, la pollution a encore de belles années devant elle ;
• son acceptation de l’ordre établi. Il accepte le S.G.H. actuel tel qu’il est et agit pour le mieux dans le cadre de ses contraintes et de ses entraves. Il ne cherche pas à transformer ce S.G.H., progressivement bien sûr, de sorte que ses contraintes et ses entraves soient réduites à leur minimum, comme le recommande l’Optimalisme dans le principe optimaliste du «minimum de contraignance» («La minimisation de la contraignance des contraintes favorise l’optimisation du B.E. »). En somme, au lieu d’adopter la démarche efficace up-bottom, méthode qui cherche à imposer à tout le monde ce qui s’impose, il s’est vu obligé d’accepter la démarche bottom-up qui consiste à n’imposer à tout le monde que ce qui respecte les concessions que chacun s’est fixées ;
• l’absence d’un modèle de société cible prédéfini vers lequel toute son action doit nous acheminer : un modèle de société cible dans lequel la protection de l’environnement nourricier de l’Humanité sera portée à son maximum. De plus, la nécessaire définition de ce modèle conçu et avalisé par toute la communauté internationale donnera à tous les pays suffisamment de confiance en l’avenir pour qu’ils puissent faire toutes les concessions vitales que peine à obtenir aujourd’hui le mode de développement durable. De surcroît, cette même définition inspirera et guidera la communauté internationale quant aux choix à faire et à l’action à mener ;
• l’absence d’une assise argumentaire fortement contraignante. Une telle assise argumentaire, qui constitue un des points forts du mode de développement optimal, fait défaut au mode de développement durable et explique son impuissance à imposer à la communauté internationale ce qu’il convient d’imposer et non ce qu’elle veut bien s’imposer ;
• son nom trompeur. Son qualificatif « durable » fait que la communauté internationale est tellement persuadée que le mode de développement durable résoudra durablement tous ses grands problèmes qu’elle ne peut se rendre compte que le champ d’action de ce mode de développement est restreint à l’activité de l’Humanité et nullement étendu à son organisation. Or, c’est justement l’organisation de notre S.G.H. qui est le principal responsable des problèmes de l’Humanité et notamment du blocage du mode de développement durable (lenteur, inefficacité, etc.).

D’être à bout de souffle
Le mode de développement durable ne pourra pas faire beaucoup plus que ce qu’il a déjà fait. Malgré sa bonne volonté, il est clairement incapable de sauver durablement l’Humanité. Rien que sur le plan de la limitation du réchauffement planétaire à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle, il n’est pas parvenu à contraindre la communauté internationale à appliquer un plan efficace pour cette limitation vis-à-vis de laquelle elle est pourtant théoriquement d’accord. Tout le monde crie « Au feu ! » mais rares sont ceux qui veulent prendre la peine d’amener leur seau d’eau. L’échec du mode de développement durable sur ce plan rend inéluctable le réchauffement climatique au-delà de cette limite.
Sur le plan de la lutte contre les inégalités, la conception du mode de développement durable, basée sur cette lutte (pour que le pauvre soit moins pauvre) et non sur la lutte pour l’égalité, ne remet pas en cause l’économie de marché, facteur de création et d’accentuation des inégalités. Il parait clair que, pour le mode de développement durable, l’économie de l’Humanité restera durablement une économie de marché. Or, comme les inconvénients du système capitaliste vont grandissant, notamment ses crises graves, et à cause de sa position de principal obstacle à un développement réellement durable et égalitaire, l’Humanité finira par l’identifier en tant que principal responsable de tous ses maux et par le rejeter.
Enfin, le fait que l’organisation de l’Humanité soit le parent pauvre du mode de développement durable, puisqu’elle ne figure ni dans sa définition ni dans les trois piliers qui sont venus la compléter, rend improbable qu’il puisse sauver à temps l’Humanité. Il va sans dire que c’est l’organisation de l’Humanité en États indépendants, tous engagés dans une course acharnée au développement quel qu’en soit le prix à payer, qui fait que l’activité imposée par cette organisation atteint le niveau de nocivité difficilement contrôlable qu’on lui connaît aujourd’hui. Il va sans dire que, parmi toutes les organisations possibles, il en existe au moins une qui engendrerait une activité dont la nocivité serait la plus réduite possible. Il suffirait de l’identifier puis de planifier l’orientation vers elle de l’organisation actuelle de la communauté humaine. Ce qu’aurait dû faire depuis 30 ans le mode de développement durable, qu’il n’a pas encore fait et que propose aujourd’hui de faire le mode de développement optimal.

De ne pas être un mode de développement à part entière
On est en droit de se demander si le mode de développement durable est réellement un mode de développement à part entière. En effet, il n’a pas de modèle de société cible vers lequel mener l’Humanité ni de planification préétablie pour y parvenir. En réalité, il se développe au gré des réunions internationales et des accords conclus et, de ce fait, il est l’enfant des circonstances et de la bonne volonté des hommes. De plus, son plan d’action ne couvre pas tout les domaines qui touchent aux conditions de vie et de survie des générations actuelles et futures, notamment la lutte contre les catastrophes naturelles. Enfin, il est dominé par les intérêts particuliers des États et des courants influents et non par l’intérêt général. Or, qu’est-ce qu’un mode de développement si ce n’est la mise en œuvre d’une planification efficace pour un but bien précis : mener l’Humanité là où on a décidé qu’elle devait raisonnablement aller. Et comment une planification peut-elle être efficace pour relever les grands défis auxquels l’Humanité est confrontée si elle n’est pas guidée par l’intérêt général et si elle ne couvre pas tous les domaines de la vie en communauté, notamment l’organisation et la gestion communautaires ?

Maintenant, comment traduire cette critique en termes optimalistes ?
Même si le mode de développement durable n’a jamais défini le B.E. comme objectif suprême, on peut soutenir qu’il agit, comme l’exige l’Optimalisme à travers le mode de développement optimal qu’il propose, pour la maximisation du B.E. mais on ne peut pas dire qu’il tient compte de toutes les contraintes qui s’opposent à cette maximisation. Ne pas tenir compte de l’organisation et de la gestion de la communauté humaine revient à négliger les contraintes inhérentes à ces deux dernières, contraintes qui s’opposent fortement à cette maximisation et qui bloquent l’action du mode de développement durable. Les actes du mode de développement durable ne peuvent pas être qualifiés d’optimaux puisqu’ils ne tiennent pas compte de toutes les contraintes. Ils ne peuvent être qualifiés que d’optimalisants. De la même manière, la résultante de tous les actes optimisants entrepris par le mode de développement durable ne peut être qualifiée d’optimale car elle ne répond pas au principe fondamental de l’Optimalisme («A tout instant, la résultante de tous nos actes doit être un acte optimal»). De plus, en ne cherchant pas à assouplir les contraintes liées à l’organisation et à la gestion de la communauté humaine, comme l’exige le principe optimaliste du «minimum de contraignance», le mode de développement durable ne peut prétendre à l’optimalité dans ses actes : il est un mode de développement non optimal.
Les inconvénients précédents du mode de développement durable font que ce dernier ne répond pas aux exigences du concept optimaliste de « la seconde compte ». Sa lenteur, son inefficacité et le fait qu’il soit à bout de souffle engendrent une perte de temps considérable dans la course au progrès max, nécessaire à la maximisation du B.E. et à la minimisation de l’érosion du capital B.E., et occasionne un manque à gagner en progrès qui ira grandissant de manière exponentielle avec le temps et qui handicapera durablement l’Humanité.
Pour la maximisation du B.E., le mode de développement durable s’attaque à tous les domaines de l’activité humaine et néglige ceux du progrès max, de la Recherche max, de l’éducation universelle et son diplôme de gestionnaire-chercheur polyvalent qui, eux, relèvent de l’organisation et de la gestion de l’Humanité. Tenir compte de ces secteurs, prioritaires car vitaux, et agir dans leur sens aurait pu contribuer significativement à desserrer les contraintes que rencontre jusqu’à aujourd’hui le mode de développement durable.

Comme on vient de le dire, le mode de développement durable ne pourra faire beaucoup plus que ce qu’il a pu faire jusqu’à présent compte tenu de la nature bloquante de notre S.G.H. À moins que la nocivité de l’environnement ne dépasse un jour le seuil du tolérable et n’oblige toute la communauté humaine sans exception, les États-Unis et les pays émergents compris, à faire montre d’une solidarité exemplaire et d’une réelle volonté de faire les grandes concessions qui s’imposent et qui auraient été moins lourdes si elles avaient été consenties en temps voulu. Ce jour-là, le mode de développement durable prendra du poil de la bête, verra pleuvoir les bonnes résolutions et enregistrera un engagement sincère dans leur application. Mais ce jour-là, l’Humanité aura essuyé nombre de catastrophes et aura vu perturber à jamais son environnement. Pire encore, en attendant que ce jour arrive, l’Humanité aura perdu un temps précieux, des milliards de secondes perdues par le progrès salvateur, et l’érosion effrénée du capital B.E. individuel et de celui de l’Humanité aura continué d’accélérer la mort précoce de tous les hommes actuels et futurs et l’extinction précoce de l’Humanité. Pourquoi accepter un mode de développement qui se permet de reporter à demain ce qu’il est urgent de faire aujourd’hui sans perdre une seconde ? Comment peut-on s’accrocher à un mode de développement qui est tel que plus il durera, moins durera l’Humanité ? Pourquoi attendre pour agir que le rouleau compresseur de la sélection naturelle s’approche dangereusement de nous ? N’y a-t-il pas un moyen de réagir vite et efficacement pour éloigner le spectre de cette mort et de cette extinction précoces ? Assurément, ce moyen existe. Il s’appelle mode de développement optimal. Optimal au sens de l’Optimalisme, bien sûr : un mode de développement en mesure de gérer de la manière la plus performante possible à la fois le processus de maximisation de tout phénomène qui favorise le B.E. (le progrès, la Recherche, l’éducation universelle ou l’universalité) et le processus de minimisation de tout phénomène qui le détériore, notamment les contraintes qui freinent sa maximisation.

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